Conférence du CAPR à Strasbourg

Dans un amphithéâtre, écran et micro devant moi, la conférence s’apprête à commencer.

CAPR sont les initiales de « Commandement des Actions dans la Profondeur et du Renseignement« .

Guillaume Danès, le Général, est la figure centrale de cet évènement. Auparavant, il travaillait Boulevard Clémenceau en tant que Commandant du Renseignement.

La conférence s’articule autour de trois points : les relations internationales et nouvelles formes de guerre, présentation du CAPR, et interactions entre le CAPR et la société civile, communication et rayonnement du CAPR et pour finir, un réserviste sera décoré lors du vin d’honneur, du verre de l’amitié.

Les changements stratégiques et géopolitiques amènent à l’incertitude. L’IA effraie aussi. Il y a un travail de veille, de renseignement et d’analyse essentiel à effectuer.

On observe un bouleversement du monde auquel il faut s’adapter étant donné les enjeux stratégiques à appréhender mais également, un renouveau des empires et des anciennes puissances.

La guerre en Ukraine qui a débuté en février 2022 démontre bien des évolutions technologiques majeures.

> Comment y répondre? Peut-on craindre une exposition du territoire et un élargissement du champs de risques ?

Son engagement débute en 1989 où il a vu le mur de Berlin s’effondrer et jusqu’à aujourd’hui, le Général a assisté à trois tournants stratégiques. En plus du premier cité, les avions qui se sont écrasés sur le World Trade Center en 2001, c’est-à-dire les Tours Jumelles, cette attaque kamikaze qui reste encore dans la mémoire commune. Lors de cet attentat, un nouvel ennemi difficilement définissable a émergé. Enfin, l’utilisation des drones et de l’IA. L’évolution des institutions internationales conduit à l’inconnu, à de nombreuses zones d’ombres et des incertitudes.

Le monde actuel est plus dangereux. Depuis la fin de la Guerre Froide, les organismes n’arrivent plus à jouer le rôle de régulateur. Les capacités de nuisances et de puissance sont utilisées peu importe la taille du pays que ce soit l’Ukraine, le Soudain, des pays d’Afrique…

> La menace est-elle directe ? Non, pas plus que le terrorisme. Les grandes puissances utilisent des moyens susceptibles de modifier nos modes de vie : le commerce, la communication, les hôpitaux, les institutions par le biais des hackers. Des influences à travers les réseaux sociaux modifient nos opinions mais pas d’actions physiques. En somme, il s’agit d’une menace silencieuse et à distance.

Aux frontières entre la Russie et l’UE, les débuts de procédures de tirs et des drones dans le ciel européen sont visibles. Les agressions sont réelles mais contenues. L’UE est attentive à la guerre en Ukraine. Des drones russes se sont écrasés en Pologne, des munitions aussi, sans faire de victimes. Il y a beaucoup de tensions, des bateaux en Méditerranée.

La cybersécurité apparait comme un enjeu pour l’avenir. Tactiquement, ces puissances sont capables de nous contester sur le champ de bataille, la défense solaire, voler, les moyens de communication par le fait de brouillage des radios, satellites et téléphones mais aussi le champ de perception par les influences morales et psychologiques.

L’Armée de Terre s’entraîne à être prête plus rapidement en définissant une zone d’action où s’exercer ( Moyen Orient, Afrique…). Sous le commandement du Chef d’Etat Major, les capacités d’action sont augmentées, qu’elles soient terrestres, numériques ou cybers. La logistique est optimisée afin de soutenir une armée massive. Actuellement, environ 4000 hommes sont opérationnels et il faudrait atteindre 30 à 40 milles hommes comme objectif.

Les propagandes d’influence masquent les actions par le biais des capacités civiles.

Agir dans la profondeur signifie frapper l’ennemi chez lui et l’affaiblir, le mettre à la portée des divisions en UE. Le CAST, les forces spéciales sont en position et d’autres unités, le CALT.

Le public demande des précisions et des détails.

Le CAPR a pour but de développer les capacités de l’Armée de Terre, animer le réseau pour leur apporter des réponses pour agir. Ce sera l’objet du point suivant.

Une autre question : > Quelle est la responsabilité de l’UE dans la guerre en Ukraine?

Dans l’Armée, on observe la présence d’une organisation et d’une hiérarchie. La DGSE recherche les renseignements qui permettront au Président de la République de faire ses choix et de prendre des décisions. Ils sont tout en haut de la pyramide. En dessous, la DRM, la Direction du Renseignement Militaire, le Chef des Armées. Il conseille le Président. Encore en dessous, l’Armée de Terre et donc le CAPR en charge du renseignement tactique. Ils répondent à la question de la manière d’appréhender la bataille par la connaissance des menaces et des cibles. Le CAPR n’a pas accès aux renseignements d’ordre politique.

Le rôle de l’UE est de collectivement affronter la Russie qui menace. Le besoin de cohésion est essentiel à assurer dans l’intérêt de l’ensemble des nations.

> Est-on prêt à mourir pour l’UE, nous, français? Il faut définir la nature de l’engagement vis-à-vis de l’UE, au profit de nos voisins.

Le CAPR, ses moyens et ses missions, sont définies lors de ce deuxième point abordé.

La BRCE s’occupe du renseignement et du cyberélectronique. La 4e brigade d’aérocombat rassemble près de 330 aéronefs dont 230 drones. La 19e brigade d’artillerie (19e BART) se charge aussi des drones.

La CAPR a un devoir de responsabilité de commandement et doit gérer le quotidien et les opérations, le RH. Une double responsabilité capacitaire leur incombe et s’occupe du recrutement.

La profondeur caractérise la géométrie du champ de bataille. La ligne de contact au centre, d’un côté les positions ennemies et de l’autre les positions amies. Le but est d’agir avant que l’ennemi ne le fasse.

Ils ont un rôle d’incubateur, coordonner les différents acteurs mais également les parachutistes et les forces spéciales, coordonner l’artillerie et les drones aussi.

Un directeur de la fonction renseignement et guerre électronique est en place. Il faut déceler les intentions de l’ennemi, les menaces, les opportunités à saisir (cibles à frapper), les brouillages, leurrages, intrusions, attaques par la voie électromagnétique et enfin déterminer le besoin en matériel et en doctrines.

Le public demande si les profondeurs psychologiques sont traitées aussi et pas que le terrain.

Le CAST s’en charge et pas eux-mêmes s’ils agissent aussi sur les influences. Les responsabilités sont séparées et cloisonnées. Tout est coordonné et planifié simultanément, chacun se concerte.

La guerre en Ukraine montre l’importance du renseignement et pose la question si le besoin d’alliés ( les Etats-Unis) est nécessaire ou s’il est possible d’agir de manière autonome. Charles De Gaulle souhaitait une autonomie.

La surveillance du ciel est assurée par les drones et au sol, une écoute est menée. Les Etats Unis disposent de moyens plus conséquents et l’UE compte sur leur renseignement.

> Le CAPR, un rôle politique commun en UE ?

Aucun rôle politique de la part du CAPR, la réponse est claire. Une contribution politique à la défense, tout au plus, est à signaler.

Le renseignement allié est important en terme de stratégie et les informations sont échangées.

> La mission du CAPR est-elle aussi sur le territoire national?

La présence de sentinelles le confirme. Les unités et les brigades rendent compte à leurs supérieurs. Entre 300 et 400 personnes sont actives sans rôle spécifique.

Une recherche de renseignement depuis le sol français constitue une mission permanente que ce soit par les capteurs satellites pour intercepter les ondes radios, l’optique et les radars. Cette captation se fait en appuie de la DRM et satisfait le Commandant de l’Armée de Terre sans omettre les actions des réservistes.

> Comment concilier actions de renseignement de la profondeur et drones dans la guerre en Ukraine?

Les drones offrent une large communication et peuvent parcourir jusqu’à 10 ou 15 km, maximum 20. Au delà, c’est l’insécurité et les drones coûtent plus cher de par les capteurs, caméras, radars et antennes nécessaires pour couvrir une surface plus grande et plus précise. Le rapport coût/efficacité est à prendre en compte et le manque de rendement est à déplorer.

Certains drones portent des charges. > Quel est le mieux, munitions classiques ou drones ? Il faut réfléchir à leur complémentarité qui est à l’étude en prenant en compte l’interception de l’adversaire. Les précisions des coordonnées et de la météo importent aussi, cibler correctement.

Les drones sont psychologiquement difficiles et marquants. Ils ont une précision que les munitions n’ont pas et les ukrainiens sont effrayés. Les roquettes et les missiles sont privilégiés aux drones pour les distances à hauteur de plusieurs centaines de kilomètres. De même, concernant l’entraînement à l’infiltration, il faut songer au rapport coût/humain.

> Y a t-il une préparation aux échanges d’informations au niveau européen pour avancer sur la ligne de renseignement?

La réponse est militaire et politique. L’UE sait combattre ensemble.

Entre l’UE et l’US, il y a peu de changements militaires.

En revanche, politiquement, il y a un besoin de pacifisme par rapport à la Chine, un appel à la prudence dans ce contexte de manque de confiance.

L’UE doit prendre conscience qu’il faut se mettre ensemble pour développer les capacités. >Qu’est-ce qu’on est prêt à faire? Il faut sensibiliser la population sachant que chacun a sa culture, son histoire, sa sensibilité et son point de vue mais aussi sa propre distance par rapport à la ligne de confrontation.

Une innovation majeure a vu le jour : la réunion sous un même commandement. Le processus, les délais et les manœuvres sont accélérés. Il faut compter 6 ou 7 minutes pour détruire une cible trouvée, 6 ou 7 h pour la trouvaille de munitions et vivres, quelques heures ou jours pour la découverte d’artillerie. Le rythme est satisfaisant.

Pour éviter le risque, les séparations de drones et d’aéronefs, c’est-à-dire les risques de collision, il fallait se poser sur une intervalle de 40 km ce qui était énorme. En deux ans, cette règle a été abandonnée. Désormais, il s’agit de deux altitudes différentes ce qui est un gain d’espace à prévoir.

La cohésion entre ces trois brigades, selon le secteur, l’unité, la planification varie. Le renseignement nécessite quelques jours, environ 4, à déterminer.

Un projet innovant est mis en lumière : l’association du CAPR avec les civils.

Selon ses convictions personnelles, dans la préparation à affronter un ennemi de haute intensité, l’accompagnement des militaires par la société civile est précieux.

En Ukraine, la société innove de manière impressionnante. Des étudiants fabriquent des drones dans leur garage. Des applications sont détournées et modifiées au profit de l’armée et de l’IA et permet d’alerter et de prévenir. La précision est locale et des compétitions d’innovation sont entreprises.

Les français n’en font pas autant. C’est pourquoi, il faut mobiliser la société civile. Le recrutement est encouragé et peut aider ceux qui le souhaitent à avoir une meilleure connaissance de l’armée. Les élèves sont ainsi mis en situation au lycée. Les professeurs créent des partenariats dans une intention de professionnalisation. Grâce à ces cas concrets, les étudiants acquièrent des connaissances et de l’expérience. Des primes et des allocations financières sont mises en place afin d ‘aider à se lancer.

Les bataillons de réserves spécialisées œuvrent via les réseaux sociaux de n’importe où constituant des sources ouvertes. Les étudiants sont privilégiés parce qu’ils disposent de plus de temps sous le statut de réservistes. Cela fonctionne si bien que le nombre de candidature est trop élevé.

Les réservistes ne partent pas au combat. Ils viennent tels qu’ils sont et peuvent contribuer de n’importe où, n’importe quand.

Le CAPR entretient de bonnes relations avec l’Université de Strasbourg, les ETI, PME. Pourtant sur le trajet de l’armée allemande, il n’y avait jusqu’à lors pas de base faisant le lien, d’où le surnom donné, « Le Bridge« . Ce dernier booste le réseau d’innovation du Grand Est.

Il faut définir les besoins et agir pour y répondre. L’AI connait un certain essor et il faut savoir si cela est toxique et réfléchir à son utilité. C’est une technologie à double tranchant.

> Grâce aux drones dans le ciel, peu de choses échappent à l’observation et que se passe t-il sous terre?

Le CAPR est une belle réussite et développe le sens du service à l’Etat et se prépare à un engagement massif. Les ukrainiens sont préparés depuis 2014.

A l’avenir, le nombre de sujets et d’idées se multipliera.

La question du service national universel se pose aussi.

> Que peuvent faire les 40-70 ans?

Ils peuvent être employés aussi dans les domaines du cyber, du transport, de la santé, des ambulances et de l’infirmerie.

Le modèle est largement exploitable. La permanence de la mission est un frein à cause du manque de disponibilité, un défi. Les réservistes tendent à manquer aussi.

> En cas de mobilisation, faudra t-il former deux personnes pour un poste au cas où?

Il faut pouvoir assurer le service et au besoin, ajuster le budget fait remarquer le public.

Le doublement de la réserve et les financements sont prévus tout comme les capacités électroniques. Il faut combler les lacunes. La loi de programmation militaire est là pour ça. Il existe des possibilités de restrictions.

> Si les compétences des jeunes comportent un intérêt, un CDD de 1 à 3 ans peut-il leur être proposé?

Le CAPR est ouvert sur la durée des contrats.

Le rétablissement de l’obligation de service semble difficile. A la place, il est possible d’inciter au volontariat. Le service des eaux et forêts, la police, peuvent avoir accès à des emplois peu qualifiés et s’engager facilement.

Le CDD peut apporter une petite expérience avant de se lancer dans autre chose.

> Y a t-il des enseignements?

Oui. D’un pays à l’autre, celui-ci diffère. Les suisses ont des fusils à la maison. Les finlandais, un service national systématique. Les suédois, un service civil. Il faut s’adapter à la France.

Avant de déguster le verre de l’amitié, le Général adresse le mot de la fin.

Il remercie le public de son attention et formule un souhait. Celui que l’auditoire devienne l’ambassadeur pour expliquer et parler du CAPR, contribuer à sa diffusion. Il invite aussi à continuer à réfléchir sur la façon dont la société civile peut servir l’Etat et son armée.

Un réserviste se voit décoré par le Général en personne. Félicitations à lui !

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« Tous les arbres résonnent
Et tous les nids chantent
Qui donc tient la baguette
Dans le vert orchestre de la forêt?

Est-ce là-bas le vanneau gris,
Qui sans cesse hoche la tête, l’air important?
Ou est-ce le pédant qui tout là-bas
Lance toujours en rythme son coucou?

Est-ce cette cigogne qui, la mine sérieuse ,
Et comme si elle dirigeait,
Craquette avec sa longue jambe
Pendant que tous jouent leur musique?

Non, c’est dans mon propre cœur
Qu’est le chef d’orchestre de la forêt ,
Et je le sens qui bat la mesure,
Et je crois bien qu’il s’appelle Amour. », Heinrich Heine