A mon arrivée, coup de chance : c’était la toute dernière visite et ils ont eu la gentillesse de m’accepter même sans inscription qui était normalement requise. Présentation pièce d’identité et passage de la sécurité, les agents rôdaient afin d’assurer la protection des lieux et de son représentant diplomatique.

L’ambassadeur s’exprime :

La villa Oppenheimer a été construite entre 1912 et 1917 pour le compte d’une famille venue d’Allemagne installée à Strasbourg et qui possédait une grande usine de tannerie à Lingolsheim. Il y avait toute une tradition en Alsace qui persiste encore de nos jours comme le cuir Hermès.

A l’époque, deux grandes usines de tannerie dominaient, Adler-Oppenheimer et dans le Wacken, Henschmidt.

La famille Oppenheimer était aisée et avait acquis un grand lot de terrain dont l’étendue était bien plus importante que celle actuelle. Elle a été réduite depuis et commissionnée par un architecte réputé, Bruno Paul qui avait ses bureaux à Berlin, pour faire une très belle villa.

De style néoclassique, loin du mouvement Bauhaus et des styles avant-gardistes, ces créations étaient classiques et admirables dans ses proportions. Cette façade cache une grande modernité tel un chauffage central, un garage pour les automobiles, rares à l’époque et une technologie ambitieuse, un ascenseur aujourd’hui disparu et inventé quelques années plus tôt à l’intention des gratte-ciels Newyorkais.

Question pertinente à se poser : combien y avait-il d’ascenseurs à Strasbourg? Peut-être était-ce le seul.

Dans l’empire allemand, ce type de villa était courante, à Frankfort, à Mannheim, celle-ci est probablement la plus belle.

Après la Première Guerre Mondiale, la famille Oppenheimer a été expulsée de France. Les autorités françaises au moment où l’Alsace et la Moselle réintègrent la République, décident d’expulser tout ceux qui étaient associés à l’effort de guerre allemand. Le cuir servant à la conception des bottes des soldats, ils ont été dans le collimateur. Sur décret, ils ont été contraints de repartir en Allemagne.

Par conséquent, la villa a été vendue en octobre 1921, le compromis, l’acte de vente est présenté sur la table et consultable par le visiteur. L’Etat a racheté cette villa pour une somme assez dérisoire faute de choix. Elle est alors entrée dans le régime d’état et y est demeurée jusqu’à présent à l’exception des quatre années de la Seconde Guerre Mondiale.

Les allemands reviennent à Strasbourg, l’administration et l’organisation investissent les locaux. De manière déplorable puisque lorsque Strasbourg est libéré en novembre 1945, les français et les américains trouvent une villa dans un état consternant, saccagée, un maximum de choses avait été détruit. Un début d’incendie, les meubles endommagés, l’ascenseur hors service a dû être définitivement écarté. La situation était contestable et des mines ont même été découvertes dans le jardin. Le service de déminage a dû intervenir afin de sécuriser les lieux.

Après 1945, l’administration s’installe donc, plusieurs services se succèdent jusqu’à ce qu’elle soit désormais occupée par l’ambassade, les services diplomatiques. A partir de 1966, il n’y a plus eu d’interruption d’activité. Depuis 60 ans, cette villa appartient au Ministre des Affaires Etrangères et abrite la représentation permanente de la France au Conseil de l’Europe.

En 1938, la famille Oppenheimer quitte l’Allemagne au moment des persécutions antisémites. Ils ont été sains et saufs à l’exception d’un fils de Julius qui a été assassiné par les nazis dans un camp de concentration. Le reste de la famille s’est déplacé vers la Suisse et les Etats-Unis. Des descendants y ont subsisté. Une branche s’est dirigée vers l’Alsace.

Au 19e siècle, la famille est allé aux Etats-Unis et 1904, un petit garçon est né, brillant en physique et qui a poursuivi vers la physique théorique et la mécanique quantique avec l’obtention d’un doctorat à Princetown, à Post-doc en Allemagne.

Une grande figure de la physique théorique de l’entre-deux guerres, un proche d’Albert Einstein, J. Robert Oppenheimer va devenir le grand architecte scientifique du projet Manhattan qui a abouti à la fabrication de bombes atomiques, celle d’Hiroshima et de Nagasaki. Un film ayant connu un franc succès, Oppenheimer, sorti il y a quelques années, relate son histoire, engagé politiquement et grand physicien qui aurait pu gagner un Prix Nobel s’il n’avait pas été autant associé à la bombe atomique. Il est mort jeune d’un cancer vers 1955-1960.

Il est donc un cousin des Oppenheimer alsaciens, une grande famille. Un ancêtre s’appelait Joseph Süss Oppenheimer était un juif de cour au 18e siècle, un Premier Ministre d’un prince allemand qui a ensuite été l’objet d’un livre et d’un film qu’on peut qualifier de « torchon » antisémite qui a eu un immense succès en 1940, colossal. Le film a été évidemment promu par le régime nazi.

Le Conseil de l’Europe, grande organisation européenne de Strasbourg, est parfois confondue avec l’Union Européenne. Le Conseil de l’Europe comporte 46 Etats Membres et l’UE, 27 Etats Membres, tous membres du Conseil de l’Europe. 19 pays sont membres du Conseil de l’Europe sans forcément faire partie de l’UE. Citons en exemple, la Suisse, la Grande Bretagne, la Norvège, l’Islande. On compte aussi de tous petits pays, Monaco, Saint Marin, Le Liechtenstein, des pays de l’ancienne Yougoslavie, des Balkans Occidentaux qui frappent aux portes de l’UE. tout comme l’Ukraine et la Moldavie avec une perspective d’entrée en 2030.

Sur les frontières orientales de l’Europe, les pays du Caucase, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie, la Turquie, tout ceci représente un ensemble très vaste d’un point de vue géographique. Au total 700 millions d’habitants compose cette ensemble. Certains pays sont aussi majoritaires, 27 sur 46.

Les activités du Conseil de l’Europe sont plus restreintes quoiqu’essentielles que celle de l’UE. Pas de questions économiques, de tarifs douaniers, de politiques agricoles communes, d’investissements industriel pour lutter contre l’industrie chinoise, pas non plus de questions militaires réservées à l’OTAN, l’UE finance un certain nombre de dépenses militaires et la guerre d’agression menée en Ukraine par la Russie.

Le Conseil de l’Europe s’attache à la défense des Droits de l’Homme, la démocratie et l’état de droits. Ils disposent pour ce faire d’un bras judiciaire, une Cour de Justice qui est la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Leurs décisions s’imposent sur le droit national. Elle se situe au-dessus dans le domaine pénal de la cour de cassation et pour la justice administrative, le Conseil d’Etat.

Bien que rare, il arrive que la France soit condamnée par la cour en raison d’une mauvaise gestion d’une affaire qui se retrouve remise en cause.

En parallèle, ils ont pour mission de faire respecter les décisions prise par cette cour. En France, des faits sont récalcitrants. Lorsque la cour demande la libération de tel opposant emprisonné pour des motifs purement politiques, le pays en question ne cédera pas si facilement, c’est une difficulté à laquelle il faut faire face.

La Convention Européenne des Droits de l’Homme dont on va fêter le 75e anniversaire prochainement, est une matière vivante, évolutive. Il y a 75 ans, les questions importantes aujourd’hui n’étaient pas à l’ordre du jour. La peine de mort était d’actualité dans plusieurs pays dont le nôtre. Or, aujourd’hui, nul pays ne saurait entrer dans le Conseil de l’Europe avec cette pratique toujours usée. Il s’agit d’une condition préalable. De même, l’égalité Homme Femme centrale de nos jours ne l’était pas du tout à l’époque. Les questions environnementales ont gagné du terrain et font partie désormais des incontournables. Accéder à un air sain, une eau saine est considéré aujourd’hui comme un droit humain fondamental.

A cela s’ajoutent des conventions et des traités internationaux spécifiques votés au fil du temps sur divers domaines et étant signés par les pays de manière facultative engage le droit national des pays concernés. Prenons l’exemple de la convention d’Istanbul (ces conventions prennent souvent le nom du lieu de signature) signée en 2013-2014 qui a pour objet la lutte des violences faites aux femmes. La France ainsi qu’une trentaine d’autres pays ont signé. Cette signature est attachée à un comité qui visite les pays signataires afin de procéder à la vérification de l’application des points du traité, de la convention.

Le comité au moment de sa visite en France a relevé plusieurs points embêtants telle que la présence des femmes dans les commissariats. Les policiers mal formés posant des questions peu pertinentes, inadéquates, rien n’allait. Le comité a conclu qu’une formation des policiers étaient nécessaire afin de remédier à ce problème. De préférence, les femmes policières devaient être formées et mieux intégrées. Dans chaque commissariat, il devait y a voir un policier formé à l’accueil des femmes se plaignant de violences conjugales. Parmi les objectifs, celui d’éviter que les femmes repartent bredouilles avec le sentiment d’avoir été mal écoutées.

Ajoutant le fait que dans certaines situations, les procédures trop longues peuvent mettre en péril les victimes, par exemple celles qui cherchent à échapper à un mari violent et dangereux. Dans l’urgence, il faut pouvoir prendre des mesures. Le comité a émis toute une série de recommandations. Une signature entraîne des conséquences, une responsabilité.

Les pratiques dans les institutions françaises doivent être améliorées sur ce sujet. Certains pays sont encore bien plus problématiques.

Le rôle est donc de défendre les conventions existantes et d’en promouvoir de nouvelles. En ce moment, des campagnes de désinformations menées par la Russie constituent des soucis particuliers à résoudre. Des mains rouges, des têtes de porc jetées, les réseaux sociaux, les fake news, les mensonges, les préparations russes aux élections présidentielles de 2027, la Russie nous donne du fil à retordre. Leur objectif est de créer le chaos dans la société, des tensions dures, des suspicions dans la campagne, il crée une telle situation que la crise politique pourrait survenir et se retrouver dans des situations ingérables. Il faut agir parce que les russe se préparent.

Les instruments à dispositions sont politiques et juridiques loin des avions de chasse. Cette représentation abrite environ 13 personnes est en charge de défendre les positions de la France auprès du Conseil de l’Europe. Des réunions se font régulièrement là-bas et ici des rencontres avec des collègues ambassadeurs, des ministres, le Président de la République est venu deux fois ces dernières années. Ils reçoivent également les autorités constituées, les élus locaux, des sénateurs et députés qui sont de passage à Strasbourg. Le 29, la délégation française va d’ailleurs venir, 16 débutés et sénateurs.

Un jardin et une terrasse viennent agrémenter ces visites officielles en particulier lors de températures estivales et de météo clémente.

Son bureau ovale avec un bas-relief doré au plafond, tout est d’origine sauf les meubles. La rotonde, après de nombreuses heures de travail, les portes-fenêtres ont été changées entièrement parce que les anciennes avaient leurs boiseries rongées qui commençaient à pourrir. Elles ont été changé cet été et en France, seulement deux sociétés sont capables de s’en charger. C’est un chef-d’œuvre d’un point de vue architectural et un raffinement supplémentaire, les vitres sont galbées démontrant un travail incroyable selon les mots de l’architecte, d’un point de vue artisanal et technique. Cette rotonde vient adoucir une façade qui peut paraître rigide, raide avec une douceur appréciable aussi dans le jardin avec une perspective remarquable.

Sur la table, des documents historiques présentent aussi les plans d’origines montrant la taille du jardin.

Pour de plus amples informations : https://conseil-europe.delegfrance.org/Une-ambassade-chargee-d-histoire

Si toutefois, je n’avais pas le droit de publier ces photos, merci de me le dire. Sur place, excepté le bureau ovale de l’ambassadeur, nous avions l’autorisation de photographier le reste.