Au théâtre
Hier, 27 septembre vers 20h30 (du 18 au 28 septembre) se tenait un spectacle de presqu’une heure et demie présentant la vie de Marcel Marceau, mêlant mimes et monologue, en musique et en silence.
https://billetterie.theatredelachouc.com/spectacle?id_spectacle=70000497&lng=1
L’artiste interprétant ce rôle s’appelle Boutros El Amari, comédien, mime et professeur au Conservatoire de Strasbourg. L’œuvre qui a inspiré ce spectacle s’intitule « Histoire de ma vie » de Marcel Marceau, Editions Actes Sud.
Petit théâtre, la salle contenait 98 places et était attenante à la brasserie du même nom, les deux établissements ont l’air étroitement liés.
Le spectacle a mis en lumière la personnalité de Marcel Marceau. Timide, introverti, il aime la solitude et le théâtre auquel il voue une passion sans borne. Il rêve, à tout âge, il rêve et fait preuve d’une imagination débordante. Au mépris de ce qu’il peut se passer autour de lui, il se plaît à rêver encore et toujours. Il songe à de grands personnages comme Napoléon et Chamberlain.
Prenant conscience de la réalité nazie qui menace et gronde, il continue de rêver et se passionne de Charlot qu’il prend pour modèle. Il s’en émerveille comme Louis II de Bavière s’éprenait de Richard Wagner et de ses opéras qui le transportaient. Grâce à cet idole, sa passion pour la comédie se confirme.
Son père, boucher de profession, un jour le découvre dans son accoutrement d’artiste, le personnage qu’il s’était crée, pensant recevoir une correction, son père éclate de rire et lui ordonne d’arrêter de faire l’idiot ce qui l’encourage à poursuivre de plus belle.
A l’école, entouré de gosses de riches, il déteint, fils de boucher, fils d’ouvrier et se sent un peu gêné quand le professeur l’interroge sur le travail de son père et répond timidement.
Un jour, hélas, sa grand mère maternelle s’éteint devant ses yeux ébahis d’enfant. Il découvre le sens de la mort : le vide et le silence régnant, la fin, le néant, c’est un choc. Il la voit cracher de la bille dans son mouchoir qui jaunit au fil du temps. Sa mère finit par l’écarter voulant lui épargner une scène pénible. Il comprend ce qu’il se trame, sensible, il sait.
Il s’imprègne de son environnement et s’inspire des différentes situations qu’il voit, qu’il entend, ne se laissant pas impressionner, il s’informe et suit les évènements, calmement, parfois avec humour. Il ne parle pas, il mime, il joue.
Il voit Hitler et en rigole. Son accent allemand prononcé, sa dégaine, son allure sévère, hautain et fier, dominant son public et le monde. Marcel Marceau aime lire, en particulier les romans d’aventure qu’il dévore d’une traite. En découvrant, Mein Kampf, c’est l’effroi. Il voit le Fuhrer arriver de loin, après la prise de l’Autriche en 1938, Stefan Zweig en témoigne douloureusement, l’Alsace tremble à nouveau après avoir subi deux guerres auparavant, celle de 1870 et la Première Guerre Mondiale.
Que la vie et triste ! Mais Marceau la prend avec humour et légèreté sans se décourager des drames qui se multiplient autour de lui. Il y assiste, impuissant. Le monde est une jungle, pour lui un théâtre, tout est prétexte au spectacle et à la mise en scène.
A Lille pendant un temps, il revient en Alsace, sa terre natale, ravi et soulagé. Sa grand mère enterrée au cimetière de Strasbourg-Cronenbourg avec le reste de ses proches. Il habite près du Palais Rohan, un homme qui a réussi mais il se sent inférieur aux autres, il reste positif. La vie continue.
Il tombe amoureux d’une fille, Cécile. Pour elle, lui qui a peur de l’eau, il essaye de nager ne craignant pas le ridicule et heureux qu’elle ne le regarde pas dans ces moments-là.
Sa mère se remarie avec un homme qui est son opposé, elle est blonde aux yeux bleus de petite taille, il est grand aux yeux bruns et immense. Tous deux sont bien assortis.
Plus son père conteste son jeu, plus cela l’encourage à poursuivre. Malgré sa sensibilité, c’est un personnage courageux et imperturbable. Il continue et va de l’avant quoiqu’il arrive.
Son frère se fait exclure de l’école. Au lieu de le disputer, son père le fusille du regard et le place dans une école publique. L’affaire se termine ainsi et tout semble être rentré dans l’ordre. Etant l’aîné, il est sensé reprendre l’entreprise, en sa qualité de successeur.
Marceau est comme un spectateur des situations qui se présentent à lui et dont il est témoin. Sans s’énerver, sans fortes réactions, il y assiste. Son personnage se forge au fil du temps.
La crise de 29 l’a laissé perplexe. Cet évènement marquant a entraîné des suicides à tel point qu’à l’accueil des hôtels, on demandait aux clients s’ils louaient pour y séjourner ou se suicider en sautant par la fenêtre. Médusé, cela lui laisse une drôle d’impression.
Dans la réalité
Ses filles s’inquiètent que leur père se fondent trop bien dans son personnage oubliant les frontières entre la comédie et la réalité.
» Je meurs très souvent en scène. Je pense que le silence, c’est la suspension intérieure de l’âme qui donne l’écho de la pensée. C’est pour cela que je faisais dans Adolescence, maturité, vieillesse et mort, au moment où le personnage va mourir… » Marcel Marceau
Il parle peu de sa vie privée n’évoquant pas la mort de son père au camp d’Auschwitz. Il rejoint la résistance française avec son frère alors qu’ils étaient encore adolescents. Il est définit comme le maître du silence. Juif, sa vie était en danger en temps de guerre et par le mime, il a sauvé beaucoup de monde, son courage est exemplaire.
https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe03003330/marcel-marceau-mime-francais
Né le 22 mars 1923 à Strasbourg, il meurt le 22 septembre 2007 à 84 ans après 60 ans de scène. Son nom était Mangel avant de devenir Marceau.
Il a fait ses études au lycée Fustel de Coulanges avant d’être envoyé dans le Limousin, dans le Périgord puis est entré dans un réseau de résistance et s’est engagé dans la première armée à la libération de Paris. Tout de suite après la guerre, en quittant cette armée, il se tourne vers Charles Dullin afin de prendre des cours de théâtre et de devenir un acteur, il est devenu un mime. Depuis son enfance, Charlie Chapelin le hantait et il constatait sa réussite notamment avec sa pantomime avec Pierrot au 19e siècle et il a refait ce mélodrame contemporain.
Cette scène a été reprise par le comédien Mime dans le spectacle d’hier, Marceau L’alsacien.
Par ses voyages dans le monde entier, il se rend compte que le mime est un langage universel et que comme la musique et la danse, il parle à l’âme humaine.
Il s’est confronté à d’autres types de théâtre comme le Nô au Japon. Il y a une universalité dans le geste et les rapports de l’Homme, à travers le quotidien, l’intemporalité et la temporalité. Dans ce monde cosmique, le mime est un art visuel important.
Revenir à Strasbourg lui confère un bien-être incomparable, revoir la cathédrale, une partie de sa famille, ses amis d’enfance, tout ce qui lui est cher, cette odeur nostalgique, le lycée, certains de ses professeurs, ses souvenirs, le lieu où son père élevait des pigeons, les cloches de la cathédrale, l’envol des pigeons, ses sons si familiers, tout ceci constitue une poésie qui cristallise son enfance heureuse auprès des ses parents extraordinaires, et qui ont contribué à faire de lui le mime qu’il est devenu. Strasbourg est un univers qu’il retrouve et qu’il ne peut oublier malgré ses tournées mondiales et sa renommée internationale.
Il écrit, dessine, peint, son violon d’Ingres, et a fait les arts décoratifs à Limoges lors de son repli en Dordogne et dans le Limousin. Renoir, le fameux peintre, était dans cette école.
Son métier principal est d’incarner Bip depuis le 22 mars 1947, à son anniversaire, le Mime Marceau qui parle le silence et le langage de tous les pays du monde. Un langage sans frontière qu’on peut désigner sous un seul terme : fraternité.
Les enfants du paradis en 1946 restent mémorable. Sur le plan documentaire, il a fait beaucoup de cinéma aussi. Il a tout fait filmer, ses personnages, ses spectacles, ses pantomimes. Le film de Mel Broox l’a immortalisé dans le film La dernière folie ou Silent Movie sorti en 1976. Sa carrière est principalement théâtrale et il joue 300 fois par an. Malgré tout, on dénombre 50 films. Le cinéma comme le théâtre, le 7e art, est une magie extraordinaire à conserver. Tant que le théâtre gardera une magie, il restera intemporel.
Retranscription de l’interview du 17 octobre 1985 : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/sxc01023311/marcel-marceau-et-son-enfance-a-strasbourg
« Marcel Marceau a en effet rejoint la résistance entre 1942 et 1944, sous l’influence de son frère Simon et de son cousin, Georges Loinger. Marcel Mangel et sa famille, d’origine juive, s’étaient réfugiés à Limoges dans les premières années de l’Occupation, une ville où il passera l’essentiel de son adolescence. Marcel y choisira son nom de résistant, Marceau, en hommage à un poème de Victor Hugo (Les Châtiments : « Joubert sur l’Adige/ Marceau sur le Rhin ») et commencera son activité en 1942 dans le rôle de moniteur de théâtre, à Montintin. Un refuge pour des centaines d’enfants juifs, dont certain sont déjà des orphelins de la machinerie nazie à cette époque.
En plus de leur apporter le rire, Marcel Marceau aurait contribué à l’exfiltration d’une trentaine d’entre-eux vers la frontière suisse explique France 3. Il rejoindra plus tard le secteur Dordogne Nord des Francs-tireurs et partisans (FTP) avec son frère et son cousin. Alors que son père est arrêté et meurt en 1944 lors de son transfert à Drancy puis à Auschwitz, Marcel Marceau s’engagera finalement dans l’armée du général De Lattre. Un volet méconnu de sa biographie. »
Donnons le mot de la fin à ses filles qui lui rendent hommage à travers un spectacle de mime bien sûr, 10 ans après sa disparition :
Et en bonus :


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